Délit de solidarité en Ariège ?
Le Réseau Education Sans Frontière 09 et la Ligue des Droits de l’Homme de l’Ariège communiquent...
Foix le 20 Juillet
Madame Claudine LOUIS comparaît, ce mardi 21 juillet à 14 heures devant le Tribunal Correctionnel de Foix. Elle est accusée d’avoir secouru un jeune d’origine Afghane rencontré à Paris en Décembre dernier, de l’avoir hébergé et soigné, d’avoir entrepris des démarches administratives afin qu’il soit pris en charge par les institutions compétentes.
Le Procureur retient contre elle l’article 622-1 du code CESEDA « Toute personne qui aura par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30000 € ... ».
D’abord, nous considérons que cet article est en soi une atteinte fondamentale aux valeurs de la République et à notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». Il renie les notions d’aide, de soutien, de solidarité. Le législateur en l’adoptant a fait l’apologie de l’exclusion et de la xénophobie...
Mais au-delà, sa mise en application dans le cas de Madame Claudine Louis paraît particulièrement injustifiée : Le Jeune Obaïdullah est un enfant mineur au sens de la loi et ne peut donc être considéré comme étranger en situation irrégulière. Un étranger ne peut pas, c’est signifié dans le même code, détenir un titre de séjour avant l’âge de 18 ans. Nous estimons donc que cet article ne saurait s’appliquer en l’espèce.
Par contre, nous rappelons que la Loi fait obligation à quiconque, tant aux particuliers qu’aux institutions de la République, de venir en aide à toute personne en difficulté... Citons simplement le Code pénal et son article 223-3 « le délaissement en un lieu quelconque d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ». Madame Claudine Louis aurait tout aussi bien pu être poursuivie si elle n’avait pas « vu et porté secours » à ce jeune... Nous dénonçons ces incohérences législatives : Condamnée pour avoir aidé et condamnée pour ne pas avoir aidé !
Nous ferons d’ailleurs remarquer qu’il appartient en premier lieu à l’Etat de porter secours aux mineurs isolés et errants alors que trop souvent il fait semblant de les ignorer ou n’apporte pas de réponse en terme de protection mais en terme de répression. A ce titre, nous nous réjouissons, que par son opiniâtreté, Claudine Louis ait ainsi forcé la main aux institutionnels et qu’aujourd’hui Obaïdullah soit sous tutelle et placé au foyer de Loumet à Pamiers.
Nous espérons que cette prise en charge officielle d’Obaï lui permettra d’accéder à l’apprentissage de la langue et à une formation professionnelle, conditions sine qua non à l’obtention d’un titre de séjour à sa majorité. Nous avons tous en mémoire les tentatives d’expulsion par la préfecture de six jeunes devenant majeurs pendant l’été 2007. Ils ont été « sauvés » par six décisions successives du Tribunal Administratif... Les Juges ont alors essentiellement retenu ces deux critères, langue et insertion professionnelle, pour casser les arrêtés préfectoraux d’expulsion. Nous avons aussi en mémoire le scandaleux épisode des tests osseux, procédure qui semblerait avoir été reprise depuis Janvier 2009 à l’encontre des mineurs arrivant en Ariège.
Nous dénonçons fermement les propos tenus notamment dans les médias visant à accréditer la thèse de l’abandon d’Obaï par Madame Louis : D’abord parce que c’est faux ! Lassée par les refus de prise en charge institutionnelle du jeune, elle l’a accompagné et déposé au guichet des étrangers à la Préfecture de Foix, donc en de bonnes mains... Ensuite parce que c’est toujours faux : depuis qu’il est au foyer de Loumet, Obaï continue d’être en contact avec celle qui l’a sorti de l’ombre, qui lui téléphone et qui vient régulièrement lui rendre visite.
Nous considérons que de tels propos sont à la limite du diffamatoire et pourtant ceux qui les tiennent doivent savoir que pour être poursuivi pour abandon d’enfant, encore faut-il avoir la charge légale de l’enfant concerné... ce qui bien entendu n’a jamais été le cas. Alors pourquoi ces propos ? Sinon pour tenter de ternir un geste généreux de solidarité...
Nous avons interrogé par courrier le nouveau Ministre de l’immigration sur ses propres propos concernant l’application de l’article 622-1. Son directeur de cabinet dans sa réponse en date du 17 juin n’a pas commenté les propos du Ministre mais conclut sur l’affaire qui nous préoccupe en ces termes « Il n’apparaît donc pas que Madame Louis puisse être poursuivie et condamnée pour le seul fait d’avoir, dans les conditions évoquées ci-dessus, hébergé ce mineur étranger »... Mais la Justice est heureusement indépendante et Claudine Louis est, ce jour, devant le Tribunal correctionnel.
Alors pourquoi ces poursuites judiciaires ? Nous avons entendu que l’Ariège serait victime d’une « véritable invasion » de mineurs étrangers, une dizaine depuis janvier... Nous nous étonnons de tels raisonnements... Y aurait-il une application ariégeoise de l’obligation faite à l’Etat de protéger l’enfance ? Tâche dont il se décharge d’ailleurs sur les Conseils généraux... Traînerait-il l’idée qu’on serait beaucoup plus tranquilles si tous ces jeunes allaient dans le département d’à côté ? Drôle de conception des responsabilités définies pas la Loi elle-même...
Pour ce qui nous concerne, le Réseau Education Sans Frontière, regroupe des femmes et des hommes pour qui la solidarité, la fraternité et l’humanisme ne sont pas de vains mots... RESF regroupe des femmes et des hommes que les menaces et les tracasseries judiciaires ne feront pas taire. Nous avons déposé auprès du Parquet, le 8 avril dernier, 158 déclarations « tous coupables », le Procureur a reçu des centaines de lettres lui signifiant notre soutien total à Claudine Louis. Nous l’accompagnons au tribunal. Nous continuerons à combattre toute forme d’exclusion et de xénophobie.