La presse parle de la mobilisation pour les enfants sans papiers scolarisés
Le nouvel Obs, Courrier International
RESF Toulouse
NOUVELOBS.COM | 18.06.06 | 18:09
Sans-papiers : la mobilisation s’accentue
Les opérations de "parrainage républicain" d’enfants se sont multipliées samedi partout en France.
Education sans frontières : enfants sans-papiers (Sipa) Alors que la fin de l’année scolaire approche, la mobilisation en soutien aux enfants sans-papiers et à leur famille s’est accentuée samedi 17 juin en France, avec la multiplication d’opérations de "parrainage républicain" comme celui de la petite Kheira près de Toulouse, à l’initiative du Réseau éducation sans frontières (RESF). Samedi matin à la mairie de Cugnaux, petite commune de l’agglomération toulousaine, une cérémonie de "baptême républicain" a eu lieu pour Kheira, 4 ans, avec ses parents d’origine algérienne. La petite a été parrainée par le maire Philippe Guérin et la directrice de son école, Danièle Pollet.
"Un symbole fort"
"C’est un symbole fort. Toute la commune s’est mobilisée depuis un mois et demi autour de son cas et notre pétition a été signée par près de 5.000 personnes, principalement des habitants de la commune, qui en compte 16.000", a expliqué M. Guérin, qui a assuré avoir rencontré le préfet encore lundi dernier sur ce dossier.
"Kheira n’a pas de raison d’être expulsée : elle est née à Toulouse, issue d’une famille parfaitement intégrée vivant à Cugnaux depuis cinq ans, qui n’a plus de famille en Algérie, dont l’Etat lui-même paie le logement et dont les grands-parents sont naturalisés français. Elle devrait même bénéficier de la dernière circulaire Sarkozy sur les enfants. Mais nous attendons l’arrêté le certifiant", a-t-il précisé.
D’autres actions de soutien et de parrainages d’enfants menacés d’expulsion ont déjà eu lieu en France, comme vendredi devant le Sénat par un groupe d’une dizaine de parlementaires de gauche et dans plusieurs mairies d’arrondissement samedi à Paris.
Le 1er juillet, de nouveaux parrainages avec des personnalités politiques et culturelles devraient avoir lieu à Toulouse et dans les mairies d’autres communes de l’agglomération.
Mobilisation grandissante
"La mobilisation est grandissante et inédite sur ce genre de question. Avec la question des enfants menacés d’expulsion, les gens ont mesuré concrètement les effets de cette politique d’immigration", a souligné Jean-François Mignard, président de la Ligue des droits de l’Homme, membre du Réseau éducation sans frontières (RESF) qui a initié ces opérations de parrainage. Dans la lignée de cette mobilisation, une marche de 350 personnes selon la police, 500 selon les organisateurs, comprenant des membres du comité de soutien à Kheira, a eu lieu dans l’après-midi à Toulouse contre l’ouverture d’un nouveau centre de rétention à Cornebarrieu, non loin de l’aéroport de Blagnac, et contre le projet de loi modifiant le CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). "Ce centre, qui comptera 163 places, est le deuxième de France, avec même un quartier pour les familles. Avec son ouverture, nous passons d’une organisation artisanale à un stade industriel de la reconduite à la frontière", a accusé Jean-François Mignard. (AP)
*Courrier international - 16 juin 2006*
*Revue de presse*
*IMMIGRATION - **Ces Français qui entrent en résistance*
*A la fin de l’année scolaire, des dizaines de milliers d’enfants en France risquent d’être expulsés avec leurs parents, des sans-papiers. Une situation inacceptable pour de plus en plus de Français. La résistance à la politique répressive du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy s’organise.*
"La protection d’enfants scolarisés contre une arrestation par la police est un nouveau chapitre du débat controversé sur l’immigration en France. Il survient dans le sillage des débats soulevés par les incendies mortels de squats d’immigrés à l’été 2005, les voitures brûlées lors des émeutes des banlieues en novembre de la même année et les affrontements entre jeunes d’origine étrangère et la police dans les rues de Paris au printemps 2006", note l’International Herald Tribune
C’est que, en vertu d’une circulaire du ministre de l’Intérieur datée du 31 octobre 2005, les élèves dont les parents sont en situation irrégulière pourront être expulsés avec leur famille à l’issue de l’année scolaire en cours. Si le 4 juillet 2006 est la date butoir fixée, les arrestations et les expulsions sont déjà à l’œuvre dans la mesure où une circulaire n’a pas d’effet contraignant et où la décision est laissée à la discrétion des autorités préfectorales.
La mobilisation citoyenne en faveur des enfants scolarisés d’origine étrangère menacés d’expulsion s’articule essentiellement autour du Réseau éducation sans frontières
Le Washington Post
L’/IHT/ cite les tourments de la famille de Samira Babaïan, venue d’Azerbaïdjan avec ses deux enfants, Alek et David, âgés de 10 et 7 ans. "Depuis un matin d’avril, quand la police a débarqué chez eux, Alek est habitué à se cacher avec l’aide de parents et d’enseignants de son école, à Lyon, qui s’organisent pour le protéger avec son frère." "Dispersés dans différentes familles pendant plusieurs mois, les Babaïan ont passé les quatre dernières semaines ensemble dans le même appartement, grâce au soutien d’un prêtre local. Dix parents et deux enseignants se relaient pour emmener les enfants à l’école."
"Sarkozy a du cœur", titre néanmoins El País
Les expulsions de sans-papiers en France sont au cœur de la politique répressive d’immigration du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, candidat à l’élection présidentielle de 2007 et qui ne cache pas son souci de rallier des électeurs votant à l’extrême droite. Le /Washington Post/ souligne que, "durant les deux dernières années, les autorités françaises ont multiplié les descentes dans les rues et les stations de métro des quartiers à forte proportion d’immigrés, ont fait pression sur les employeurs pour qu’ils cessent d’embaucher des travailleurs clandestins et ont rejeté de plus en plus de demandes de régularisation venant de sans-papiers".
Le grand journal de la capitale américaine souligne que "les expulsions ont fait un bond d’environ 70 %, passant de 11 692 en 2003 à 19 489 l’an dernier, d’après le ministère de l’Intérieur". L’/IHT/ ajoute que, après les émeutes de l’automne 2005, Sarkozy a "promis d’expulser 25 000 personnes".
Sur les 200 000 à 400 000 immigrés en situation irrégulière selon le gouvernement, environ 100 000 enfants pourraient être visés par des mesures d’expulsion, estime RESF. Mais la chasse aux enfants scolarisés a éveillé les consciences de nombreux citoyens français, qui passent dans la résistance. "Le drame humain vécu par chaque enfant menacé d’expulsion a apparemment motivé une vaste mobilisation qui défie la loi et les sondages d’opinion, qui montrent une hostilité croissante envers l’immigration. Beaucoup parmi ceux qui encourent une amende de 30 000 euros ou cinq ans de prison ne sont pas des militants politiques, mais des mères de famille, des enseignants, des voisins issus des classes moyennes", note l’/IHT/.
D’autres formes de résistance existent. "Certaines écoles se mettent en grève pour protester contre des expulsions soudaines. Des élèves et des professeurs manifestent dans les rues. Des municipalités dirigées par des socialistes qui s’opposent à l’agressivité de la politique gouvernementale soutiennent plusieurs familles qui font appel devant la justice pour rester en France", cite le /Washington Post/.
Les réseaux de solidarité se multiplient un peu partout. "Dans plusieurs villes, dont Paris et Lyon, les maires de l’opposition ont organisé des cérémonies au cours desquelles des parents deviennent des ’parrains républicains’ d’enfants d’immigrés et promettent de les protéger". Pour l’/IHT/, ces pratiques symboliques, car non reconnues officiellement, "évoquent de mauvais souvenirs de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup d’écoles françaises disposent de plaques rappelant la déportation d’enfants juifs pendant la période de collaboration avec les nazis, alors que quelques familles les cachaient de la police de Vichy."
"Comment pouvez-vous ne pas y penser ?" s’exclame Cécile Lacoin, professeure d’allemand citée par le journal. Et cette mère de trois enfants, qui a protégé l’un des fils Babaïan pendant deux semaines, ajoute : "Aucun de ces enfants n’est bien sûr envoyé dans un camp de la mort, mais leur vie risque d’être détruite. Est-ce parce que nous avons la chance d’être nés en France que nous devons fermer la porte à ceux qui ne l’ont pas eue ?"
Philippe Randrianarimanana
Le Nouvel Observateur
Mercredi 14 juin 2006 - 21h34
IMMIGRATION
Deux options prévues pour les familles sans papiers
Selon une circulaire, les familles d’enfants sans papiers se verront proposer par les préfets une aide au retour ou une admission exceptionnelle au séjour.
La circulaire concernant les enfants sans papiers scolarisés en France doit être adressée aux préfets mercredi matin 14 juin, a annoncé le ministre délégué à l’Aménagement du territoire, Christian Estrosi. Cette circulaire, signée mardi par le ministre de l’Intérieur, comporte deux options : une aide au retour ou une admission exceptionnelle au séjour, "dans l’intérêt des enfants". L’aide au retour est de 7.000 euros par couple, plus 2.000 euros par enfant jusqu’au troisième, puis 1.000 euros par enfant supplémentaire. L’admission au séjour concerne quant à elle les enfants scolarisés au moins depuis septembre 2005, nés en France ou arrivés avant l’âge de 13 ans, et dont la famille "manifeste une réelle volonté d’intégration".
Critères stricts
Christian Estrosi a invité les familles ayant un enfant solarisé depuis l’année 2005-2006 à se présenter dans les préfectures dans les deux mois pour se voir proposer une "aide au retour volontaire exceptionnelle". Certaines de ces familles pourront être admises au séjour "dans l’intérêts des enfants". Les critères pour obtenir une régularisation sont les suivants : l’enfant doit être scolarisé au moins depuis septembre 2005, être né en France ou être arrivé en France à l’âge de 13 ans au plus ; la famille doit quant à elle manifester " une réelle volonté d’intégration, caractérisée notamment par la scolarisation des enfants, leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l’absence de trouble à l’ordre public", précise la circulaire. "A partir du moment où les critères sont remplis, on régularise les parents ce qui règle automatiquement la situation des enfants", a souligné Christian Estrosi. Selon lui, cette circulaire est une "position juste, ferme, équilibrée, et respecte une véritable dimension humaine pour les enfants et pour leur famille".