Témoignage de Marina, rassemblement resf 31 du 9 mars
Ma famille est en Ukraine et elle ne veut pas en partir. Mon frère a rejoint le front dès le premier jour de guerre. Mon neveu, qui aura 18 ans dans quelques semaines, ira lui aussi au combat.
Moi, je suis ici. Et je ne peux rien faire. Je ne peux pas les faire partir. Je ne peux pas empêcher les bombes de tomber sur des quartiers résidentiels. Ici, tout ce que je peux faire, c’est attendre que ce cauchemar prenne fin. L’attente, c’est le pire. L’attente peut rendre fou. L’attente nous brise.
Mon mari est russe. Mes enfants aussi. Il y a 6 ans, nous avons fui la Russie parce que nous ressentions au fond de nous qu’il ne fallait pas rester dans ce pays.
Ces 6 ans ont effacé beaucoup de chagrins. Mais le temps n’est pas un bon docteur. Le temps, en fait, ne guérit pas. Tout au plus aide-t-il à oublier la douleur des anciennes blessures en les remplaçant par de nouvelles, toujours plus nombreuses.
C’est difficile de trouver les mots justes quand il y a tant à dire.
Beaucoup d’entre nous ont fui la guerre, les menaces ou la violence. Beaucoup d’autres sont restés pour rendre ce monde meilleur. Pour que nous puissions un jour revenir dans un monde sans guerre, sans douleur et sans larmes.
Tout au long de ces 6 ans, je me suis demandé : Qui sommes-nous, ici ? Qui ? Des personnes avec papiers ou sans papiers ? Qui ? Nous sommes arrivés ici, pensant trouver le paradis. Mais qui sommes-nous dans ce paradis ? Nous ne sommes que des ombres, des ombres au paradis, des ombres auxquelles personnes ne prête attention. Des ombres qui existent, c’est vrai. Mais qui ne font pas plus qu’exister.
Puis je me suis sentie reconnaissante à nouveau. Reconnaissante envers les personnes au grand cœur qui ont su voir en moi l’être humain et non une ombre sans visage dans un paradis qui n’était pas le mien.
Le monde est plein dedans bonnes personnes. Mais on ne s’en rend compte que lorsqu’on est en difficulté. Et cela compense un peu les moments difficiles de la vie.
Je prie pour que mon pays survive à ces temps difficiles.
Gloire à l’Ukraine !